Pipo Typo, la typographie dans tous ses états
Mardi 26 mai
Des signes pleins de caractères
Pour l’inauguration de la galerie […], 8 rue portail d’Avignon au Puy-en-Velay, les éditions du Pas Possible invitent les étudiant.e.s en arts appliqués, au lycée St Pierre–St Paul de Langogne en Lozère, à investir ce nouvel espace dédié aux graphismes et aux arts plastiques. A l’heure des interrogations et de nos inquiétudes face à l’envahissement de nos quotidiens par les intelligences artificielles, les étudiants de première année en DNMADe (diplôme national des métiers d’art et du design) tentent une réponse graphique et créative. Face à ce qui est donné à voir, la question de la part de créativité, qui demeure identifiable et encore attribuable à l’humain, émerge. Suspendus en rangs successifs les alphabets, déclinés sous forme d’affiches, se multiplient. Un ensemble de signes se répètent, tous différents et difformes au regard des attributs que l’on assigne d’ordinaire à chaque lettre qui le compose. Derrière chaque alphabet, il y a au départ un travail de recherche graphique personnel qui tente de faire coïncider un intérêt stylistique avec les caractères constitutifs de l’anatomie de la lettre, afin de constituer une police cohérente. Il y a dans un second temps le choix d’une police de caractère existante qui se confronte à la première. Enfin, dans un dernier temps, il y a le détournement d’un outil, propre à un logiciel de dessin vectoriel, permettant de décliner une forme vers une autre en générant une dizaine d’étapes intermédiaires. Le travail d’hybridation entre les deux polices qui en résulte se présente comme une succession de déformations qui paradoxalement nous éloignent de l’intention première. Chaque caractère obtenu est le fruit du choix d’une étape, parmi d’autres, dont l’intentionnalité au regard de l’anatomie de la lettre est objectivement ignorée par l’algorithme de l’outil informatique. A chaque police se substitue un ensemble de signes avec leurs propres caractères qui, pris individuellement, nous éloignent de ce pourquoi ils sont pensés au départ. Réagencés sous forme de grilles, de normographes ou en vrac, ils nous invitent à les réemployer pour ce qu’ils permettent d’expérimenter au niveau du dessin formel, relevant davantage d’une stratégie ludique que de l’élaboration d’une nouvelle écriture. Réagencés dans une même phrase, déclinée en autant de propositions que d’alphabets, ces signes nous permettent cependant de réinvestir le champ du signifiant/signifié pour nous en redonner les pistes. Ce qui au départ ressemble à une tentative de s’immiscer à l’intérieur d’un process numérique permet, paradoxalement, d’enrichir le champ des possibles en élargissant l’éventualité du signifié ou du non-signifié. En effet, il revient à chacun de s’approprier comme il l’entend l’ensemble des produits qui en découle.